Carrières du Bois de Lens 10 Octobre 2017

Visite de la carrière romaine Mathieu

Compte-rendu de la visite sous la conduite de M. J. C. Bessac, archéologue

Situation

Cette carrière est située à 2 km de Fons-outre-Gardon, en bordure du Bois des Lens. L’accès se fait par une petite route goudronnée, 500 m à gauche après le cimetière de Fons-outre-gardon.

Carrière de Lens p

Géologie

S’étendant sur un demi-hectare et profonde de 8 m, elle est située dans un massif de calcaire urgonien, long d’une quinzaine de kilomètres et large de un. C’était un ancien lagon redressé.
Ce calcaire possède une texture oolithique à rares fossiles rompant la régularité du grain. Cela en fait une roche de construction très propice aux œuvres très ornementées.

L’urgonien est un faciès sédimentaire calcaire du crétacé inférieur. Il s’étend selon les régions du barrémien à l’aptien, soit environ de -130 à -112 millions d’années. Sa solidité et sa couleur blanche en font une pierre très employée dans le bâtiment. Il est très abondant dans les chaînons subalpins (Vercors, massif de la Chartreuse, Bauges, etc.) et le sud-est de la France.
Roche oolithique : roche à grains infra-millimétriques bien sphériques.

Végétation

Un charmant sentier dans la garrigue permet d’atteindre cette carrière entourée d’une épaisse couche de déchets d’exploitation.
Une surprise ! La sarriette (Satureja montana L.) est en fleurs ainsi que la lavande (Lavandula sp.) malgré la sécheresse intense. Par contre, les cistes (Cistus monspeliensis L. ; Cistus albidus L.), les viorne-tin (Viburnum tinus L.), les pistachiers lentisques (Pistacia lentiscus L.) souffrent énormément ; parmi les arbustes,des chênes verts (Quercus ilex L.) peu développés et des arbousiers (Arbustus unedo L.) avec très peu de fruits.
Seul, un érable de Montpellier (Acer monspessulanum L.) domine d’une dizaine de mètres et se pare de couleurs automnales.
Pas de chants d’oiseaux.

Période d’exploitation

De -30 à +15, l’exploitation a lieu en trois chantiers d’une durée, chacune, de 5 à 6 ans. Il y aurait eu une dizaine de travailleurs par période.
Les pierres extraites alimentaient les constructions de Nîmes, de la région et même jusqu’à Narbonne.

Artefacts

Ils sont nombreux et donnent tout son intérêt à cette carrière. Nous relevons particulièrement :

♦ Bordant l’entrée de la carrière, un fragment d’un mur de pierres sèches ;

Carrière de Lens Mur d Enceinte p

♦ un four de 80 cm de diamètre, creusé dans le sol, proche des abris des carriers ;

Carrière de Lens Four p

♦ un petit bassin carré, profond de 10 cm, surmontant un pilier carré d’un mètre de hauteur ;

Carrière de Lens Bassin p

♦ de nombreuses traces obliques « d’escoudes » et de pics sur les faces des blocs de pierre extraits de 2*1*1 m ;
 
L’escoude est un outil de carrier utilisé pour l’extraction manuelle des blocs de pierre tendre ou demi- ferme. Elle a la forme d’une pioche à long manche dont le fer se termine le plus souvent par un burin plat d’environ 2 cm de large, et d’une pointe ou d’une double dent.

Carrière de Lens Traces d escoude p

♦ de nombreuses traces (emboîtures) de triangles métalliques (5 cm) utilisés pour détacher les blocs ;

Carrière de Lens Emboitures p

♦ certains présentant les lettres grecques Η Ι Γ (Eta, Iota, Gamma)

Carrière de Lens Marques p

♦ un beau fût d’un mètre de haut, très bien travaillé, reposant sur une base carrée ainsi qu’un tambour de 1 m de diamètre sur 40 cm d’épaisseur, avec des cannelures très bien travaillées (on se croirait dans les ruines d’Olympie ).;

Carrière de Lens Colonne p

♦ sur les bords la carrière, les restes des abris des carriers, où ont été trouvés des fragments de céramique;

Carrière de Lens Emplacement abris carriers p

♦ ainsi que l’emplacement de la forge.

Carrière de Lens Emplacement forge p

Une discussion s’installe : les carriers étaient-ils de préférence gauchers ? De l’avis de notre guide et spécialiste, ils sembleraient que les gauchers étaient favorisés mais que les jeunes carriers étaient formés pour se servir du bras gauche comme du bras droit.

Nous terminons cette agréable après-midi en remerciant M. Bessac, passionné et intarissable.
Au retour, sur le sentier, nous admirons le soleil couchant sur les parois – en face de nous – d’une carrière encore en exploitation aujourd’hui.
Quelle belle journée !

Jean Claude Bessac est l’auteur de 2 articles ayant pour objet ses fouilles dans les Carrières du Bois de Lens :
Bessac Jean-Claude. Les carrières du Bois des Lens (Gard). In: Gallia, tome 59, 2002. pp. 29-51; doi : 10.3406/galia.2002.3095
consultable sur http://www.persee.fr/doc/galia_0016-4119_2002_num_59_1_3095
et
J. C. Bessac – Revue archéologique de Narbonnaise – T. 19-86 – p. 159-182
consultable sur http://www.persee.fr/doc/ran_0557-7705_1986_num_19_1_1287

Louis Lepage