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Excursions géologiques dans le canton d’Alzon (Gard)

Par M. PIERRE DE BRUN

INTRODUCTION

Pour rendre la géologie plus attrayante et la mettre à la portée de tous, pour la vulgariser, en un mot, il faut surtout en atténuer l’aridité. Rien ne vaut, pour arriver à ce but, la forme d’itinéraire ou de guide donnée à l’étude géologique d’une région ; les descriptions, les remarques historiques et archéologiques font une heureuse diversion aux coupes de terrains et aux listes de fossiles ou de minéraux et empêchent la fatigue qu’occasionne, à la longue, la lecture des termes trop scientifiques.

Depuis longtemps déjà des essais dans ce genre ont été faits pour le département du Gard. Le promoteur, M. Philippe Mingaud, a traité dans plusieurs brochures (1) des terrains primitifs des environs de Saint-Jean-du Gard.

Après lui, le géologue alaisien, M . Sarran d’Allard, abandonnant les études de stratigraphie et de science pure, s’attacha à décrire et énumérer, sous forme de récits d’excursions, les gisements intéressants de minéraux, roches ou fossiles de Mialet et Anduze (1879), les Vans (1879) et des environs d’Alais (1880).

Postérieurement, le regretté M. Jeanjean, de Saint-Hippolyte-du-Fort, digne successeur d’Emilien Dumas, fit paraître une série d’excursions au tour de sa résidence. Il suffit de citer ses courses autour de Lacadière (1889), Durfort (1891), Quissac et Pompignan (1892), Anduze (1894), Ganges (1896),publiées dans le Bulletin de la Société d ‘Etude des sciences naturelles de Nîmes et qui sont autant de modèles du genre.

Il ne m’appartient pas de juger les œuvres de ces géologues ; l’expérience me manque pour le faire avec autorité. Mais je puis dire qu’elles ont eu une influence considérable sur la diffusion des sciences géologiques dans le département. Elles sont en outre d’une utilité incontestable pour le touriste et le géologue amateur. Que désirent généralement ceux-ci ? C’est assurément, en passant dans une contrée et en perdant le moins de temps possible, reconnaître les terrains principaux et en recueillir des échantillons caractéristiques, fossiles ou minéraux.

Les brochures dont j’ai parlé plus haut, remplissent parfaitement ces desiderata. J’en ai pu faire moi-même l’expérience et constater ce que j’ avance.

Aussi je crois rendre service aux voyageurs géologues en continuant pour la région que j’habite, l’œuvre de MM . Mingaud, Sarran d’Allard et Jeanjean, et en publiant quelques pages sur le canton d’Alzon. C’est, du reste, parmi ceux du Gard, un des plus délaissés, je dirai même ignorés, par les
naturalistes. Sa position absolument excentrique, sur les confins de l’Hérault et de l’Aveyron et les difficultés des communications en écartaient, il y a peu de temps encore, le touriste.

(1) Pb. Mingaud . – Examen d’un minerai qui présente tous les caractères de l’Allophane. Montpellier 184. – Explorations géologiques. Coup d’œil rapide sur les terrains qui constituent le sot du bassin de Saint-Jean-du-Gard et des principaux gisements métallifères qu’on y rencontre. Paris 1863. -Tableau des espèces minérales des environs de Saint-Jean-du-Gard. {Bull . Soc. Etude sc. nat . Nîmes, 1889. – Liste des variétés de quartz des environs-de Saint-Jean-du Gard. (Bull. Soc. Etude sc. nat. Nîmes, 1890).

Cependant la source de la Vis, « la Fous » en patois du pays, la vue de l’entonnoir au fond duquel est bâti le hameau de Navacelles et les canons tourmentés de la rivière qui le traverse suffiraient à faire la réputation d’un pays. M. Martel, l’intrépide explorateur des Causses, les signale du reste à ce titre, dans son ouvrage classique les Cévennes. Tout dernièrement encore, notre savant collègue, M. G. Fabre, inspecteur des Forêts, leur consacrait, dans le grand Dictionnaire de la France, de Joanne, quelques paragraphes fort élogieux.

Du reste l’achèvement de la ligne de Tournemire au Vigan, si accidentée et si pittoresque sur deux de ces points, avec ses innombrables viaducs et tunnels, et qui a été livrée, il y a trois ans, à la circulation, facilite beaucoup l’accès de ces régions autrefois si peu connues.

J’émettrai en terminant le vœu que, dans tous les autres cantons du Gard, un pareil travail soit entrepris. On pourrait alors en utilisant tous ces documents, faire ce qu’a fait, il y a p1us de 60 ans, le géologue Lecoq pour le Puy-de-Dôme, et ce que vient de faire pour le Cantal, avec tant de science, M. Boule, assistant de paléontologie au Muséum d’histoire naturelle : un guide complet du géologue, avec itinéraires variés dans le département.

Index bibliographique

Ces quelques pages n’étant que le récit de courses et n’ayant aucune prétention scientifique, les géologues qui désirent étudier la stratigraphie de la région et avoir une vue d’ensemble de la géologie du pays, peuvent consulter les ouvrages suivants :

Emilien Dumas.- Statistique géologique, minéralogique, etc. . du département du Gard. 1875-77, 3 vol. in-8°, avec planches (passim.)

E. Dumas. – Carte géologiques au 1 : 86.4006 de l’arrondissement du Vigan, 1 feuille. 1844.

A. Jeanjean. – Terrains jurassiques des Basses-Cévennes 1881-1888 (Coupe du Jurassique à Aurières : pl. 2 ; n° 5 d’1 tome 2 et passim.)

P. Gourret. -Géologie du Larzac et des Causses méridionaux du Languedoc.1884, pl.et cartes. (Ouvrage très copieux, malheureusement très fautif et fait à la hâte : coupes et listes de fossiles la plupart du temps fantaisistes). 5 coupes détaillées sur les Causses de Blandas et de Campestre.

G. Fabre. – Coupe géologique de la Tessone 1889. (Un des meilleurs ouvrages à consulter pour connaître l’ensemble de la géologie du Causse de Blandas, la superposition et la composition de ses couches. Contient une coupe générale).

G. Fabre. – Profil géologique de la ligne de Tournemire au Vigan, avec une carte notice géologique (dans l’étude générale sur cette ligne).

Th. Picard. – Classification nouvelle des formations sédimentaire du Gard. 1896. (L’auteur adopte la terminologie et la classification actuelle aux ouvrages des géologues de la région, en particulier E. Dumas et A. Jeanjean).

Pour continuer leur étude sur la géologie du canton d’Alzon les géologues pourront visiter les collections suivantes, contenant des échantillons variés de fossiles, de roches et de minéraux recueillis dans les environs. Ce sont celles de M . E. Dumas, à Sommières ; A. Jeanjean, à Saint Hippolyte du Fort ; Pellet, à Nîmes; Lioure, à Lodéve.

Je dois une mention particulière à celle de M . Julien de Lasalle, à Saint Jean -du-Bruel (Aveyron), dont le propriétaire m’a ouvert les portes avec la plus grande complaisance. Elle contient de véritables raretés et des échantillons uniques du Causse de Campestre et du Larzac. Malheureusement pour la science, M. Julien de Lasalle a été emporté en quelques jours par la maladie. Il laisse, outre sa collection, des volumes entiers de notes du plus grand intérêt, sur la géologie des Causses et la modestie seule l ‘a empêché de les publier. C’est à lui que je dois le peu que je connais et ses précieux conseils m’ont beaucoup facilité le travail que j’ai entrepris. Je lui dédie ces quelques page::; et je dois bien à sa mémoire cet hommage de ma reconnaissance.

Je remercie aussi très vivement M. Nicklés, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Nancy et M. Authelin, son préparateur, qui ont bien voulu déterminer une grande partie de mes échantillons de fossiles et en revoir les listes; – J’ai communiqué tous les minéraux que j’ai découverts à M. Lacroix, professeur .de minéralogie au Muséum d’histoire naturelle à Paris, qui a bien .voulu les étudier et me faire connaître le résultat de ses analyses ; qu’il reçoive ici toute l’expression de ma vive gratitude…

Enfin je recommande aux touristes géologues de passage dans la région, de visiter la collection de M. le docteur Espagne, à Aumessas ; il pourra leur donner les plus utiles renseignements sur le pays qu’il connait à merveille et sa complaisance est inépuisable. Je l’ai mise à l’épreuve et ne l’ai pas trouvée en défaut. Je l ui adresse tous mes remerciements et de grand cœur.

Et maintenant, sac au dos, marteau en main et en route !

Alzon, 10 décembre 1899.

1ere Excursion

Arrigas et Aumessas (Terrains primitifs et Trias)

En quittant le bourg d’Alzon, aux rues noires et tortueuses, aux pavés pointus rappelant le sol du Causse, nous prenons jusqu’à la gare le chemin qui suit la Vis, à sec pendant la plus grande partie de l’été. A droite nous apercevons la Roche des Fées et un peu plus loin, sur la même crête, le Rocher de Verdus, dykes de calcaire primitif à texture saccharoïde et de couleur noire, émergeant du milieu des schistes et repaires de nombreux dévaliseurs de poulaillers, martes, blaireaux et renards.

Ces schistes ont été attribués par Emilien Dumas au Silurien malgré l’absence complète de fossiles. On n’y a trouvé en effet aucune trace de corps organisés, soit végétaux, soit animaux ; une découverte de ce genre serait de la plus grande importance et permettrait probablement de fixer leur place dans la série des terrains sédimentaires. Actuellement on les range dans le Précambrien.

Toute la formation schisteuse que nous allons parcourir est sillon née en tous sens par des filons de quartz blanc, à éclat gras, contenant souvent une matière verte chloriteuse qu’on peut recueillir en abondance dans les déblais extraits des divers souterrains de la ligne de Tournemire au Vigan, tout autour d’Alzon. L’épaisseur de ces filons varie de quelques centimètres à une dizaine de mètres et leur longueur d’un décimètre à plusieurs kilomètres. comme celui qui part des monts d’Aulas et aboutit prés de Saint-Jean-du-Bruel. Beaucoup renferment des substances métalliques, minerais de cuivre et surtout pyrite de fer, dont la décomposition à l’air leur donne une teinte jaune-verdâtre caractéristique.

A gauche du chemin que nous suivons, encore des schistes noirs, où l’on a rencontré, lors des travaux de construction de la voie ferrée, en face de la gare, des mouches de carbonate de cuivre vert et bleu et un petit filon de chalcopyrite, maintenant caché par des murs de soutènement.

On laisse à gauche la sorte de ravin, où passent cependant des charrettes et qui mène au hameau de la Goute et la ” draye ” ou route que suivent les troupeaux du Bas-Languedoc montant au pied du mout Saint-Guiral et sur le plateau de la Grandès pour y passer les mois de grosses chaleurs. Traversant les quelques maisons du mas d’Elfre, nous apercevons au bord du ruisseau, la Nougarède, bâtie au bas d’un ravin où ont été trouvés, au moment de la construction du chemin de fer, de superbes cristaux de quartz hyalin dans les fissures du calcaire primitif, intercalé dans les schistes et se confondant par places avec eux. Ceux-ci sont ici criblés de petites cavités régulières, généralement cubiques, ayant sans doute contenu des cristaux de pyrite de fer. Par suite d’on ne sait quelle cause, le minéral a disparu laissant son empreinte. Malgré des recherches nombreuses, je n’ai pu trouver un seul cristal ; les cavités sont vides ou contiennent de la limonite terreuse.

En continuant à marcher le long de la rivière, nous traversons le mas Delmas, un des hameaux du vallon ou les lois de l’hygiène sont le moins observées et où l’on fera bien de ne pas accepter à déjeuner ; nous arrivons à l’embranchement du chemin qui, à gauche, mène à Cazebonne. Les schistes dans lesquels il est tracé et ceux de quelques sommets qui le dominent sont pétris par endroits de petits cristaux de macle, formant des étoiles, des croix et toutes sortes de figures géométriques ; pour plus de commodité, on peut se contenter de les recueillir dans le lit même du ruisseau où ils abondent à l’état de cailloux peu roulés.

Un peu avant d’arriver au Villaret et toujours à droite du chemin, de l’autre côté de la Vis, on voit une galerie de recherche creusée par la compagnie des mines d’Arrigas et momentanément abandonnée. On peut recueillir facilement dans les déblais de l ‘aragonite fibreuse blanche ou bleuâtre, malachite, azurite, chalcopyrite et chrysocolle; ce dernier minéral, de couleur vert-bleu et d’éclat résineux, forme des enduits sur les blocs éboulés. Mais il vaut mieux se réserver pour les galeries exploitées de l’autre côté de la montagne, où les mêmes minéraux se retrouvent bien plus beaux.

Traversons ensuite le Villaret et gravissons le raidillon qui porte le nom de chemin vicinal d’Arrigas au Villaret. De nombreuses cavités ont été creusées sur tout ce flanc de la montagne dans le bu t de rechercher le minerai de cuivre que décèlent un peu partout des mouches de malachite et d’azurite colorant le quartz du filon traversé par le sentier. C’est celui que je signalais au début de cette excursion comme ayant plusieurs kilomètres de longueur; nous le retrouverons du reste aux galeries supérieures d’Arrigas et dans le ravin de Peyraube.

Arrivés au sommet, nous prenons un instant de repos en admirant le paysage qui se déroule à nos yeux ; au premier plan, dans le creux, Arrigas et en face les pentes escarpées du causse de Blandas ; à gauche le rocher si pittoresque d’Esparon ; puis le vallon du Vigan et plus loin un peu noyées dans la brume, la Séranne d’un côté et de l’autre les montagnes de Sumène et de Saint Hippolyte-du-Fort.

Presque à l a place où nous sommes assis, devait exister autrefois une fonderie de cuivre, contemporaine probablement de la mine romaine que nous visiterons un peu plus tard. J’ai trouvé sous l a mousse et sous la bruyère, de nombreuses scories avec tâches vertes de malachite et des fragments de laitiers. A notre gauche sont des déblais tout récents ; ils ont été extraits d’une galerie de descente foncée dans un amas de calcaire primitif, pour la recherche de gites calaminaires (1). Des blocs de smithsonite sont disséminés parmi les débris. J’ai même recueilli dans les fissures de la roche encaissante de la cérusite en petites baguettes d’un éclat blanc-nacré caractéristique.

Descendons alors par la pente très rapide qui nous mène vers les galeries que nous apercevons au-dessous dans le ravin des Fons. Les substances exploitées sont la blende, un peu de galène et la smithsonite. Accessoirement l’on rencontre des minerais de cuivre (malachite, azurite, chrysocolle, chalcopyrite et surtout de superbes échantillons d’érubescite) et quelques traces de pyrite de fer.

(1) Les mineurs confondent sous le nom de calamine, la calamine proprement dite (silicate de zinc) et la smithsonite (carbonate de zinc). Cette dernière substance est la plus abondante dans le Gard et forme la majeure partie des gisements.

Plus bas, mais dissimulée par des arbustes et des broussailles, se trouve l’entrée d’anciens travaux, dits mine romaine, présentant un grand développement souterrain et non encore explorés à fond. Les anciens mineurs n’ayant extrait que le cuivre, la compagnie concessionnaire fait actuellement quelques recherches dans l’espoir de rencontrer des minerais de zinc. Les parois des galeries sont recouvertes d’une couche assez épaisse d’aragonite en stalactites à texture fibreuse, tantôt blanches, tantôt bleues ou vertes qui produisent à la lumière un bel effet. Malheureusement la fumée produite par les coups de mine commence à en ternir l’éclat. Dans certaines crevasses, se trouvent en abondance de la malachite terreuse, du chrysocolle et de l’allophane ; mais tous ces minéraux sont souvent réduits à l’état de boue par suite des suintements continuels. Sur d’autres parois s’étalent des enduits vert foncé de brochantite (sulfate de cuivre) et fréquemment de fines aiguilles d’aragonite radiée scintillent à la lueur des lampes.

Arrachons nous à la contemplation de ces richesses minérales et suivons la voie Decauville qui nous conduit au plan incliné occupant la crête entre deux ravins et servant à descendre le minerai à la laverie. Le calcaire primitif traversé par le plan incliné contient dans ses fissures des cristaux jaunâtres très nets de Dolomie ferrifère.

Nous aboutissons à une dernière galerie ; des recherches y sont effectuées pour en retirer le minerai de cuivre qu’elle renferme en abondance et que traitent quelques appareils installés dans un baraquement en planche. Sur les tas et sur les haldes, nous pouvons facilement recueillir de très beaux échantillons de chalcopyrite, érubescite, chrysocolle et dans les fissures de petits globules ou de petits cristaux d’un beau vert-poireau d’une substance que M. Lacroix, le savant professeur de minéralogie du Muséum d’Histoire naturelle de Paris, croit être de l’arséniate de cuivre. Il en fait en ce moment une étude plus approfondie dont je ne connais pas encore les résultats.

Encore un petit plan incliné et enfin la laverie, construite avec les derniers perfectionnements, près de la voie ferrée et qui doit traiter les minerais de zinc et de plomb. Les amateurs de mécanique pourront la visiter avec l’autorisation de l’ingénieur chargé de sa direction.

Les calcaires primitifs contiennent aux environs de la dolomie ferrifère en beaux cristaux ; on peut en recueillir assez facilement dans les tranchées du chemin de fer.

Laissons de côté Arrigas où rien ne peut nous attirer et acheminons-nous vers Peyraube, dont le chemin traverse d’abord les schistes et ensuite le granit porphyroïde à grands cristaux d’orthose. Nous apercevons sur les deux pentes du vallon, le filon de quartz dont j’ai déjà parlé, qui se dresse comme un mur au milieu des terrains primitifs. Il a, vu d’en bas, un vague aspect de ville fortifiée, avec créneaux, meurtrières et mâchicoulis. Après avoir dépassé le village et avant d’arriver à un petit ruisseau, nous pourrons étudier pour la première fois le contact des schistes et des calcaires primitifs avec le granit. Les couches sont fortement inclinées et même bouleversées-; j’ai pu recueillir dans les fissures du calcaire de superbes et très volumineux cristaux de dolomie.

Le granit lui-même présente des phénomènes intéressants ; tantôt il est réduit en une matière argileuse, une sorte de kaolin ; tantôt, comme à côté du petit pont, il se charge de substances rosées ou verdâtres injectant profondément la roche. Le minéral rosé n’est qu’un produit de l’altération du feldspath. Le vert est probablement un pyroxène altéré.

Nous passons devant le Sanatorium interdépartemental édifié pour les enfants anémiques du Gard et de Vaucluse. Une visite de quelques instants est pleine d’intérêt. Un petit sentier à peine tracé, nous conduit assez rapidement vers une galerie toute récente qui est destinée uniquement à servir de débouché à celles de Vernhes où nous passerons tout à l’heure.

Remontons encore et nous atteignons, après avoir un peu soufflé, le col d’où nous apercevons Aumessas et où se rencontrent plusieurs chemins ; tout autour, dans les champs et sur les murs, abondent des débris de barytine blanche lamellaire, provenant d’un filon sûrement très important, mais dont je n’ai pu retrouver ni l’emplacement ni la direction ; les terres cultivées rendent ici les recherches très difficiles.

C’est non loin de là, que, tout récemment, j’ai fait une découverte du plus grand intérêt pour la région. A 250 ou 300 mètres au-dessus des travaux de Vernhes, le chemin dit ” de la montagne ” traverse le point de contact des schistes et du granit. Celui-ci, en faisant éruption, a métamorphisé ceux- là. Les couches sont plissées, bouleversées dans tous les sens et la roche est intimement pénétrée de beaux minéraux en grande abondance : idocrase, grossulaire, diopside et vollastonite se superposent pour former une roche d’un très bel effet. Ce gisement est analogue à ceux si connus et classiques des Pyrénées ; il ne leur cède certainement en rien au point de vue de la richesse. L’idocrase et le grossulaire sont parfois cristallisés ; l a vollastonite forme des rognons fibreux blancs, souvent très considérables, surtout en contact des filonnets quartzeux.

J’ai pu suivre cette limite des schistes et des granits pendant plusieurs centaines de mètres et presque partout j’ai retrouvé le même genre de roche avec les mêmes minéraux. Mais nulle part ils ne sont en aussi grande abondance que dans le premier gisement que j’ai indiqué, sur le bord du chemin “de la montagne”. On n’y a que l’embarras du choix et ce n’est pas peu de chose ; car les échantillons sont également beaux et sous un petit volume, présentent très fréquemment : la vollastonite, le pyroxène vert, le grossulaire et l’idocrase, dont l’ordre de superposition est à peu près constant.

Il serait à désirer que, dans le Gard, on fasse un peu partout des recherches dans ces points de contact du terrain primitif et des roches éruptives. Le gisement dont j’ai le plaisir de vous entretenir n’est certainement pas le seul.

Après avoir bourré notre sac de ces beaux échantillons, malheureusement un peu lourds, nous pouvons redescendre sur Aumessas que nous apercevons dans le fond de la vallée. Nous passons au milieu du hameau de Vernhes, en laissant sur la droite les travaux de recherches effectués dans une roche blanche talqueuse contenant de la blende parfois en jolis cristaux ainsi que quelques baguettes blanches de cérusite.

En descendant le sentier en lacet qui nous mène rapidement au fond de l a gorge, nous pouvons contempler le ruisseau de l’Albaigne, bondissant de roche en roche et formant de fort belles cascades. Nous le traversons et allons examiner le point de contact des schistes et du granit. Là point de minéraux rares comme au-dessus de Vernhes, mais les schistes ont blanchi et sont devenus plus compacts; les calcaires ont été transformés en cipolin de couleur claire.

Après un instant de repos et un court déjeuner pris dans le coquet village d’Aumessas, perché d’une façon très pittoresque sur un contrefort du Lingas, dirigeons nos pas du côté de la route nationale en suivant. un chemin qui surplombe le ruisseau nommé un peu plus loin rivière d’Arre. Arrivés au hameau des Trois-Ponts, traversons la route d’Aix à Montauban et engageons-nous dans le lit du ruisselet, parfois torrent, qui descend d’Estelle et occupe l’emplacement de la grande faille dite d’Alzon, allant de Sauclières au Vigan et faisant buter le trias contre les schistes primitifs.

En le remontant, à gauche, dans un grand ravin, se voient les débris d’une ancienne exploitation de gypse dans les marnes irisées. Sans beaucoup de peine, nous trouvons sur le sol des morceaux épars de cette substance compacte, blanche, grise ou rouge et parfois fibreuse et nacrée. Nous retrouvons du reste le même genre de gisement dans les «vallats» du Crouzet et d’Estelle. Les blocs détachés du grès triasique présentent souvent à leur surface des tiges de plantes silicifiées et se détachant en relief. Leur mauvaise conservation ne permet malheureusement pas de les déterminer avec quelque exactitude.

La route nationale, qui développe sur notre droite ses pentes assez rapides et ses tournants, traverse les schistes et les calcaires primitifs souvent chargés de matière graphiteuse. Les talus abrupts offrent de superbes exemples des dislocations, des plissements et des renversements de couches produits par l’éruption du massif granitique du Lingas. Nous arrivons ainsi à la source du ruisseau et après nous être péniblement hissés hors du ravin, apercevons l’entrée du souterrain de 500 mètres que traverse la route.

Un glissement lent mais continu se produit sur ce flanc de la montagne et l’on s’en aperçoit très bien soit sur la route nationale d’un côté près du four à chaux abandonné, soit de l’autre sur la route de Blandas où les parapets sont constamment crevassés. Sur ces deux voies, un dénivellement brusque et très accentué, surtout sensible en voiture, marque les limites extrêmes du glissement. Les petites baraques construites sur cette énorme masse de terrain en mouvement sont démolies au bout de peu de temps ; leurs murailles chancellent et s’écroulent . Il serait peut-être fort intéressant, à l’aide de points de repère, de surveiller la marche de ce phénomène et d’en calculer exactement la vitesse de déplacement.

Nous laissons de côté le souterrain et suivons l’ancienne route qui passe au-dessus, sur la crête. A son point culminant, prenons à droite un sentier qui mène au rocher de Verdus et nous conduit sur les affleurements d’un très volumineux filon de fraidronite ou porphyrite micacée, émergeant au contact du trias et des schistes. La roche est très compacte et résiste bien au marteau.

Revenons sur nos pas et continuons à descendre vers Alzon dont on aperçoit le clocher et quelques toits. Nous marchons sur les grès, tantôt très fins, tantôt passant aux poudingues, et sur les argiles bariolées du keuper. C’est dans ces dernières que M. d’Hombres-Firmas a signalé autrefois (1) des géodes de quartz hyalin : avec quelque patience, on peut encore en recueillir une certaine quantité, variant de la grosseur d’une noix à celle d’une tête humaine et même davantage.

Mais toutes ne sont pas creuses et il faut en casser beaucoup pour trouver de belles cavités tapissées de cristaux de quartz hyalin, parfois rose ou violet, de calcite et de petites aiguilles noires de goethite. Le corps de la géode est souvent formé d’une sorte d’agate ou plutôt de calcédoine rubanée.

On peut trouver aussi de beaux échantillons le long du petit ruisseau qui, partant du tunnel, va aboutir à Alzon.

Outre les géodes, on peut rencontrer fréquemment des quartz rouges et blancs à cassure conchoïdale et légèrement translucides sur les bords, qui produisent un bel effet.

Encore quelques minutes de marche et nous pénétrons dans le village où nous prenons un repos bien gagné. La course, en effet, est longue et fatigante, mais le géologue sera amplement dédommagé par les échantillons très intéressants qu’il aura pu recueillir.

En dégustant le savoureux menu de l’hôtel du Souterrain, il prendra des forces pour affronter le lendemain les mauvais chemins du Causse de Blandas.

(1) Notice sur les géodes d’Alzon, par M. L. A. d’Hombres-Firmas (Bull. Soc. géot. de France, t. VII).

2eme Excursion

Le Causse de Blandas (Jurassique)

En sortant d’Alzon par la route qui se dirige sur le Vigan nous trouvons d’abord le trias avec ses calcaires, grès et marnes bariolées de couleurs vives, violet et vert. Arrivés à un petit pont à l’endroit où la route fait un premier coude très prononcé, nous l’abandonnons et grimpons directement sur la pente du Causse, par le sentier qui mène à la ferme de Cazevieille. Il est absolument à pic et traverse, après.avoir quitté le trias, les calcaires jaunâtres très délitables de l’Infralias ( Hettangien), calcaires absolument sans fossiles. A l’extrémité du sentier, au dessus et un peu .à droite des bâtiments de la ferme, apparaissent les calcaires à fucoïdes reposant directement sur l’Infralias, le Lias faisant absolument défaut en cet endroit, quoique M. Gourret. dans son ouvrage sur le Larzac le fasse affleurer près de Cazevieille. Les fossiles du Bajocien sont ici très difficiles à extraire, à cause de l’extrême dureté de la roche ; on les trouve dans les tas de pierres arrachés des champs et épars çà et là sur le penchant du mamelon. En distribuant de droite et de gauche de vigoureux coups de marteaux, nous pouvons récolter sans trop de peine :

Belemnites unicanalicu1atus (Hartm.) Rhynchonella, sp.
Terebratula perovalis (Sow.) (fréquente). Cancellophycus scoparius (Sap)
Pecten demissus (Phill.)

Bryozoaires très fréquents et en reliefs sur la roche par suite de son usure. Ils appartiennent pour la plupart à :
Entalapbora cespitosa (Lamour)

     »      personatus (Ziéten).
Lima proboscidea (Sow.).

Nous suivons du reste cette formation tout le long du chemin de Cazevieille aux carrières d’Aurières, dans lequel il faut nous engager. Les murs qui le bordent sont pétris de bryozoaires et polypiers, presqu’impossibles à dégager. Après une demi heure de marche environ et peu avant d’arriver aux carrières de M. Brun, manufacturier à Arre, le sentier s’élargit et nous marchons sur de larges dalles de calcaire blanchâtre. Nous nous trouvons alors sur le lias supérieur (Toarcien) que nous indiquent du reste les nombreuses empreintes d’ Ammonites bifrons en creux à la surface de la roche. Celle-ci est très résistante, de couleur grisâtre et un peu siliceuse à cassure conchoïdale. En brisant les blocs ou en soulevant les dalles çà et là, on trouve une riche faune caractéristique de l’étage Toarcien, mais où les zones sont mélangées.

Voici ce que de nombreuses recherches m’ont procuré :

Belemnites tripartitus (Hart.) (ff.) Nautilus sp.
    ”    tricanaliculatus (Hart. ff.) Turbo capitaneus (Munst.)(f.)
Ammonites Bifrons (Brug.) (fff).     ”    Bertheloti (d’Orb.)
    ”    complanatus (Brug.) Chemnitzia sp.
    ”    fallaciosus. Pleurotomaria Joannis (Dum.)
    ”    crassus (Phill.)     ”    sp.
    ”    striatulus (Sow.) Trochus sp.
    ”    nautiloïdes (Rasp.) Discohelix Albinatiensis (Dum.)
    ”    insignis (Schühl.) Rhynchonella sp.
    ”    bicarinatus (Munst.) Terebratula sp.
    ”    hircinus (Schloth.) (f). Poisson (1dent.)
    ”    Trautscholdi (Oppel). Bois silicifié.

A part l’Ammonites bifrons et les bélemnites, les autres céphalopodes sont assez rares et disséminés.

Les gastéropodes (Turbo, Pleurotomaria, Trochus) présentent une particularité curieuse : on les trouve agglomérés par réunion de 10 à 20 individus et, si l’on ne tombait pas sur un de leurs groupes, on pourrait chercher longtemps sans en trouver un seul. Ils sont tous de grande taille et atteignent fréquemment 6 centimètres de long. Plusieurs espèces sont nouvelles pour le Gard et n’ont été signalées ni par Emilien Dumas, ni par A. Jeanjean. Ce sont : Chemnitzia sp. ; Trochus sp.; Pleurotomaria Joannis (Dum.) ; Pleurotomaria (2 espèces non encore déterminées); Discohelix Albinatiensis (Dum.) ; Turbo Bertheloti (d’Orb.) Cette dernière espèce, à enroulement sénestre, est signalée par d’Orbigny comme très rare. J’en connais une dizaine d’échantillons provenant d’Aurières ; pour ma part, j’en ai recueilli quatre.

Les rhynchonelles sont assez fréquentes, éparses dans la roche.

Arrachons-nous à cet intéressant gisement et continuons à suivre le sentier qui aboutit à une coupure de la carrière de M. Brun, ouverte entièrement dans le lias moyen (Charmouthien). La surface des bancs est couverte d’une couche ocreuse renfermant la faune suivante :

Belemnites fournelianus (d’Orb.) Plicatula spinosa. (Sow.)
    ”    niger (Liste.r). Terebratula numismalis (Lam )
    ”    paxillosus (Schloth.)     ”    Sarthacensis.
Pecten œquivalvis (Sow.) Rhynchonella delmensis (Haas).
Pecten sp.     ”    cynocephala.
Lima sp. Pentacrinus basaltiformis (Miller).
Harpax Parkinsoni (Deslongoh.)

Nous reprenons le sentier qui aboutit à la seconde carrière; le Toarcien et le Charmouthien s’y rencontrent. Celui-ci comprend, outre les calcaires à surface ocreuse signalés plus haut, quelques centimètres de marnes noires intercalées. Au-dessus vient un calcaire compact, pétri de bélemnites, et des marnes noires sans fossiles; ces dernières couches appartiennent au Toarcien.

La faune en est peu riche et variée; elle se réduit à :
Belemnites tripartitus, tricanaliculatus et Ammonites bifrons.

Les couches du lias moyen sont plus fossilifères ; on peut y trouver :

Ammonites margaritatus (Montf.) toujours aplatie et déformée.
    ”    algovianus jamais entière.
Belemnites fournelianus (d’Orb.), dans les marnes intercalées.
    ”    niger (Lister).
    ”    paxillosus (Schlath.).
Pleurotomaria sp. Chemnitzia sp.
Rhynchonella delmensis (Haas).
Terebratula numismalis (Lam.)
Pleuromya unioïdes (d’Orb.)
Pholadomya sp.
Bois carbonisé.

Ces couches ont dû subir des pressions considérables ou être soumises à des mouvements assez violents, car les fossiles y sont toujours aplatis, déformés ou brisés.

Il nous faut alors rejoindre le chemin d’intérêt commun d’Alzon à Blandas. Il nous donne une coupe complète des terrains du Causse. A son embranchement sur la route nationale, il traverse le Trias, puis l’Infralias, enfin au point où nous le prenons, c’est le Lias qu’il entame, puis le Bajocien avec quelques rares empreintes de Cancellophycus scoparius (de Sap.)

Vis-à-vis l’embranchement du chemin vicinal menant à Ayrolles, et sur la gauche de la route, une petite carrière abandonnée, ouverte dans des calcaires gris un peu marneux va nous donner un fossile caractéristique du Bathonien, la Rhynchonella concinna (Sow.) et plusieurs autres espèces du même genre. Puis vient une couche puissante de dolomies, appartenant sans doute au même étage.

Continuons encore et nous passerons près d’une carrière creusée dans le calcaire rose miroitant, identique à celui de la Tessonne que M. Fabre classe dans le Callovien. Malheureusement ici les fossiles font complètement défaut et l’on en est réduit aux hypothèses. Encore un banc de dolomie sableuse et une alternance de bancs calcaires grisâtres très durs et d’autres dolomitiques. Les premiers contiennent de très rares fossiles : Ammonites plicatilis (Sow.), Ammonites Eucharis (d’Orb.) caractéristiques de l’Oxfordien (zone à Amm. cordatus). Encore un banc de dolomie grise. Je n’ai pu retrouver dans la couche suivante, composée d’un calcaire gris-foncé en gros bancs, les fossiles du Séquanien (zone à Amm. bimammatus ) que M . Gourret (loc. cit.) prétend y avoir rencontrés.

Nous sommes arrivés au sommet de la côte, à l’endroit dit col d’Ayrolles, du nom du village que nous apercevons dans le ravin. Sur le flanc du Causse, à gauche de la route, des bancs de calcaires blanchâtres entrecoupés d’accidents marneux ou dolomitiques, nous offre, en face des quelques maisons du hameau, des Térébratules (Ter. subsella, insignis, substriata) en petit nombre. Nous avons donc atteint le Kimméridgien dont ces espèces sont caractéristiques.

Le dernier terme de la série se compose de dolomies rougeâtres ou grises, à nombreuses poches sableuses, sur lesquelles reposent les villages de Belfort et de la Rigalderie. Elles remplacent probablement ici le Tithonique (ou Portlandien) dont le faciès calcaire fait complètement défaut sur le causse de Blandas. Nous les rencontrons encore vers le bois de Fontaret, avant d’arriver au village.

Après un frugal repas pris dans une des auberges qui se trouvent sur la place, reprenons le sac et le marteau et en route !

Nous passerons une partie de la soirée à rayonner autour de Blandas en cherchant dans les tas de pierres et dans les murs, bordant les champs, les fossiles du Kimméridgien qui, sans être communs, peuvent cependant s’y rencontrer parfois. Malheureusement, comme la roche est très compacte, les échantillons entiers, surtout d’Ammonites, sont rares, et la plupart du temps on ne rencontre que des fragments.

J’avoue que, pour ma part, je n’ai pas trouvé grand’chose, sauf des Térébratules (Ter. subsella, Zieteni, substriata). Aussi me contenterai-je de présenter la liste donnée pa r M. A. Jeanjean dans ses Excursions géologiques et spéléologiques aux environs de Ganges (Hérault). Il cite :

Ammonites inconditus (Font.) Pecten Lemencensis (Pillet).
    ”    Lothari (Oppel). Gonyomya Mœschi (de Lor ).
    ”    Garnieri (Font.) Waldheimia Mœschi (Mayer)
    ”    Compsus (Oppel).     ”    pseudolagenalii (Mœschi).
    ”    Acanticus (Oppel). Terebratula Zieteni (de Lor).
Pleurotomaria Mœschi (de Loriol.)     ”    Subsella (Leym.)
Isoarca Helvetica (de Lor.)     ”    Substriata (Schloth.)
Hinnites velatus (d’Orb.)

J ‘y ajouterai une Arca sp. et Thracia suprajurensis (d’Orb.) que j’ai trouvées au bout de la côte du chemin menant à Vissec. Quelques-uns des bancs les plus compacts sont exploités comme pierres lithographiques, en particulier le long de la route de Montdardier .

Les térébratules forment une véritable lumachelle sur le chemin qui mène au Landre, un peu avant d’arriver à ce hameau : la Terebratula subsella y est la plus abondante.

Tout en cherchant des fossiles, nous pouvons examiner en passant les monuments mégalithiques en certain nombre sur cette partie du Causse ; ils ont été énumérés et fort bien décrits dans l’ouvrage de M. Lombard-Du mas (Monuments mégalitiques du Gard. Mém. Académie de Nîmes, VIIe série, tome 17 ; année 1893).

Les figures en sont très exactes. Malheureusement ils sont en très mauvais état de conservation et complètement fouillés, la plupart par M. Cazalis de Fondouce, grand propriétaire du causse de Blandas. Ces menhirs et dolmens sont parfaitement connus des indigènes qui les nomment « Peyros plantados ou Peyros cabusselados » et les indiquent volontiers aux étrangers.

Prenons garde toutefois de ne pas faire comme l’astrologue du fabuliste et de ne pas nous laisser choir dans les nombreux avens qui font ressembler ces plateaux calcaires à de gigantesques éponges. Quelques-uns sont d’une très grande profondeur et n’ont à ma connaissance été explorés par personne. Le matériel trop considérable qu’il faut emporter dans ces sortes d’excursions et surtout le manque d’un compagnon de voyage de bonne volonté, m’ont empêché d’en tenter la descente. Peut-être réservent-ils des trouvailles splendides aux naturalistes plus aventureux.

Se méfier en général des touffes de buis, de ronces et d’arbustes trop volumineuses : elles cachent souvent un abîme:

Mais la soirée s’avance et nous avons juste le temps de nous rendre au hameau du Tour, bâti sur les dolomies bajociennes près du bord du Causse. Nous redescendons la série que nous avions parcourue le matin : le Kimméridgien, le Séquanien, I’Oxfordien, le Callovien, le Bathonien avec le faciès qu’il ont sur la route d’Alzon à Blandas. Ils sont complètement stériles ou du moins je n’y ai trouvé aucun fossile sauf dans le dernier étage qui. prés du Tour, nous donne la Rynchonella concinna et autres espèces du même genre, très fréquentes.. Le gisement se trouve im médiatement au-dessus d’un petit sentier qui serpente sur le grand escarpement de calcaire bajocien situé dans le ravin derrière le village. La roche est grisâtre, tendre et se sépare facilement en plaques schisteuses minces.

Au-dessous et sur tout le flanc du Causse qu’a coupé à pic un torrent à sec en été, nous retrouvons le Bajocien avec le même faciès qu’à Cazevieille et les mêmes fossiles : Bryozoaires en relief sur la roche, Pecten, Terebratula, Ammonites Muschisonœ, Belemmites unicanaliculatus et moules de bivanes indéterminables.

Descendons le ruisseau qui se précipite par une pente excessivement rapide dans la rivière d’Arre, près de ce village. Après avoir traversé les strates puissantes du Bajocien, dont les dernières sont composées de marnes schisteuses noires, nous trouvons une roche verdâtre, tendre, entrecoupée d’accidents marneux qui, sur une épaisseur de 2 mètres environ, est pétrie de Belemnites. Le Toarcien n’est pas représenté et le Charmouthien seul existe renfermant les mêmes espèces qu’à Aurières : Belemnites fournelianus, paxillosus, niger. De rares Ammonites margaritatus et Pleuromya unioïdes, déformées et aplaties. Il repose directement sur les calcaires blancs de l’Infralias que nous traversons pour arriver au Trias sur lequel sont bâties quelques maisons dépendant du village d’Arre.

Nous n’avons que le temps de nous rendre à la gare, car le train apparaît à la sortie du tunnel de Navassac et va nous remorquer jusqu’ à Alzon, notre centre d’excursion.