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Note complémentaire sur les capitelles de la garrigue Nimoise

par Paul MARCELIN

En 1942 (1) nous avions donné une opinion particulière sur l’origine des capitelles ; constructions à pierre sèche de petites dimensions, de plan carré, circulaire ou en V, à voute en encorbellement. Elles ont été souvent considérées comme habitations, permanentes ou temporaires, préhistoriques ou protohistoriques, comme le type de l’habitation primitive ou rudimentaire.

Nous avions fait remarquer que leurs dimensions trop petites, l’absence de cheminée ou de trous de fumée, de citerne, de débris d’origine humaine, la pierre scellée dans les parois et qui ferme l’entrée jusqu’à 0.60, 0.80 de hauteur … ne nous permettaient pas de les considérer comme le type de l’habitation primitive.

Nous avions montré par deux textes anciens ce qu’elles étaient en réalité. Le dictionnaire languedocien de Boissier de Sauvages, de la fin du XVIIIe siècle nous dit que ce sont « des baraques de vignes, de très petits bâtiments voûtés, principalement destinés à mettre à couvert un cuvier en maçonnerie où l’on égrappe la vendange pour en faire des charges des mulets ou des charriots ».

En 1727, le subdélégué Novy, à la recherche d’une assemblée de protestants donne le plan d’une capitelle située au quartier de Valdegour, dans la garrigue nîmoise « une hutte bâtie à pierre sèche… qui sert à mettre la vendange à couvert pendant qu’on travaille à grouper le raisin ». Tout récemment, nous avons trouvé dans nos dossiers une note que M. Trouchaud de Collias, nous avait communiquée en 1948 et qui montre la persistance de cet usage jusqu’à une époque très rapprochée. M. Trouchaud a été un des fidèles collaborateurs de l’Abbé Bayol, le Préhistorien de Co1lias et, même si cette note n’avait pas pour nous un intérêt particulier, nous serions heureux de rappeler le nom de l’un de ces préhistoriens, dépourvus d’intérêt et d’ambition, qui ont contribué efficacement, à leur manière, au progrès de la Science préhistorique.

M. Trouchaud, décédé après M. l’Abbé Bayol, nous disait que les «capitelles servaient pour mettre les olives, dans certaines d’entre elles, on trouve encore quelques marques de mesures d’olives. On voit la trace de ces mesures sur·la paroi intérieure (crépie) chaque barre verticale marquait 1 mesure, (I) = 1 mesure … III = 3 mesures ; lorsque l’on arrivait à verser 40 mesures et qu’il y avait par conséquent 40 barres verticales marquées, on faisait une croix +. La croix indiquait donc 1 presse, 20 l, environ 12 kg, 40 fois 20 l. = environ 500 kg. Sur les jarres devant contenir l’huile on faisait les mêmes marques, mais pour 10 l., chaque fois. La marque était quelquefois faite avec une olive noire pressée contre la paroi ; l’huile, imprégnant le mur ou la poterie, marquait comme un crayon. Par la suite, au moulin chaque producteur possédait un grenier fermé clé. A Marguerittes, une de ces capitelles s’appelle « Tine (2) de Belle olive.».

On ne saurait demander plus de précision sur les raisons, qui ont fait construire ces capitelles. Nous précisons que cette explication, si elle est valable pour la grande majorité des capitelles de la garrigue nîmoise, ne l’est peut-être pas pour d’autres régions.

Paul MARCELIN


(1) MARCELIN (Paul) Les baliseurs à pierre sèche et leurs œuvres dans la garrigue nîmoise. Comptes rendus de l’Ecole Antique, session 1941.

(2) Tine, terme languedocien qui signifie cuvier.


Bulletin de la Société d’Etude des Sciences Naturelles

de Nîmes (1960)