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DIANTHUS SYLVESTRIS Wulfen
plante nouvelle pour la flore du Gard
par M. A. LOMBARD-DUMAS

Notre Société, que l’histoire naturelle du Gard intéresse plus particulièrement, n’apprendra pas sans plaisir la découverte récente d’une plante nouvelle pour la flore déjà si riche de notre département.

Il convient d’attribuer le mérite de cette découverte à une jeune dame qui m’apporta, dans un bouquet de fleurs cueilli en juillet dernier sur nos montagnes des environs de Camprieu, le bel œillet dont j’ai à vous entretenir.

L’échantillon n’était pas complet. Néanmoins, mon fils, présent à la récolte, l’avait déterminé Dianthus Caryophyllus L., et c’est sous ce nom qu’il me fut présenté.

J’eus quelques doutes sur cette détermination . Vous savez, en effet, combien est subtile la distinction du groupe spécifique des Dianthus Caryophyllus L., sylvestris Wulf., siculus Presl, et virgineus L. Nos meilleurs floristes en conviennent. M. Rouy, l’un des auteurs d’une Flore de France en voie de publication, et bon nombre de botanistes, regardent ces quatre espèces comme autant de races d’un même type : le Dianthus virgineus L., est propre à la région de l’Olivier ; le D. siculus habite la Corse; le D. Caryophyllus est une plante des vieux châteaux et des murs en ruine des provinces de l’Ouest, qui pénètre aussi dans quelques vallées de l’Aveyron où l’a découverte l’abbé H . Coste, botaniste très distingué de ce pays. Cette espèce linnéenne est la souche de nos œillets parfumés. Le D. sylvestris enfin, se rattache à la flore de l’Est ; on le rencontre aussi au Mont-Dore et dans les Pyrénées.

Entre ces quatre races, les dissemblances consistent surtout dans la longueur du calice et la forme de ses écailles; dans la nuance et la forme des feuilles. Le parfum plus ou moins accentué des fleurs n’est pas un caractère fixe.

L’odeur très prononcée de notre Dianthus de Camprieu le rapprocherait beaucoup du D. Caryophyllus, mais ses feuilles d’un vert gai et non glauque, son calice moins allongé, à dents aigües, ses écailles calicinales presque mutiques et sa souche à divisions très courtes formant gazon serré, l’en séparent nettement . M. l’abbé H. Coste, à qui je me suis adressé pour plus de certitude, l’attribue avec raison au D. sylvestris Wulfen, malgré ses fleurs très odorantes.

C’est donc un spécimen cévenol du Dianthus sylvestris Wulf. que j’ ai l’honneur de vous adresser pour notre herbier départemental. Il a été récolté, à la demande et sur les indications de mon fils Louis Lombard, par M. Roger Jeanjean, petit-fils du savant et regretté géologue de Saint-Hippolyte, sur les rochers granitiques qui bordent la nouvelle route de Camprieu à Meyruéis, sous la Croix-de-Fer, au petit tournant que forme cette route tout à fait en face du célèbre abîme de Bramabioou.

Gouan, dont on a tant médit à cause de ses affirmations fantaisistes sur l’existence dans nos Cévennes de plantes qu’on y a vainement recherchées après lui, doit, cetta fois, recevoir amende honorable à propos de ce Dianthus. En effet, le vieux professeur de Montpellier, pages 193 et 199 de ses Herborisations, signale, comme habitant les rochers des pentes nord de l’Aigoual et la côte de Bellioc, à demi-lieue plus haut que le Cap de Coste, sur la chaîne de l’Espérou, un œillet qu’il appelle, – sans doute à cause de ses fleurs très parfumées, – D.·Caryophyllus L. Cet œillet est très probablement le nôtre. Et dans ce cas, de Pouzolz (Flore du Gard t. 1. p. 135) aurait eu tort d’assimiler au D. virgineus de nos plaines le Dianthus que Gouan indique sur la montagne où il vient d’être si inopinément retrouvé.

Sommières, 15 août 1899